Association pour la Sauvegarde
du Patrimoine Culturel
des Juifs d’Égypte

15/09/2012 – Elisabeth Moustaki

Présentation par Élisabeth MOUSTAKI de son livre «Le joli temps avant la pluie», Éditions du Manuscrit, 2006.

Par cette belle journée du samedi 15 septembre, nous fûmes heureux de recevoir Élisabeth Moustaki qui vint nous présenter son livre «Le joli temps avant la pluie», belle chronique de son enfance et surtout de son adolescence dans sa ville natale d’Alexandrie. Élisabeth Moustaki était accompagnée de sa sœur Marcelle Rosnay-Moustaki.

Il nous faut présenter Elisabeth Moustaki, bien qu’un bon nombre d’entre nous la connaissent bien et particulièrement nos amis de l’AAHA.

Elisabeth Moustaki est une de nos concitoyennes alexandrines, d’origine grecque et plus précisément corfiote, née dans une famille parlant le judéo-vénitien et le grec.

Elle est la fille de M. Nessim Moustaki, le dynamique propriétaire de la prestigieuse librairie « La Cité du Livre » – pilier de la francophonie à Alexandrie – située à la rue Fouad, sœur de Marcelle Rosnay-Moustaki (dont nous rappellerons plus loin l’itinéraire) et de notre célèbre compatriote, le compositeur et chanteur Georges Moustaki.

Élisabeth Moustaki, écrivain, en est à son second ouvrage et c’est le premier qu’elle nous présente et qui est peut-être le plus autobiographique.
Avant d’aborder le contenu de ce livre si bien écrit, nous choisissons de citer un long passage qu’elle nous a lu, passage qui à lui seul dépeint la tonalité et la vérité intrinsèque de l’ouvrage, l’atmosphère qui baigna sa jeunesse :
« En classe de septième (au Lycée Français), nous étions une quarantaine d’élèves formant un amalgame assez étonnant de nationalités, races et religions les plus diverses ; mais, en fait, nous n’y prêtions pas vraiment attention ; nous vivions toutes dans la même ville ; la plupart d’entre nous y étaient nées ; nous jouissions du même climat, évoluions au même rythme, étions soumises aux même règles de vie ; une sorte d’osmose s’était ainsi effectuée, au sein de laquelle nous étions tout à fait à l’aise ensemble. Même nos langages s’en trouvaient tout emmêlés ; nous parlions un français émaillé de grec ou d’italien, un anglais strié d’arabe ou d’espagnol, un italien entrecoupé d’anglais ou d’arabe. Nous parlions de nombreuses langues mais les mélangions un peu, si bien qu’il nous arrivait de ne pas connaître l’origine exacte de certains mots que nous utilisions pourtant couramment.

Nos maîtres d’école avaient, en outre, beaucoup de mal à nous débarrasser de certains tics de langage, comme « ala » (pour marquer l’étonnement ou l’indignation), « yalla » (qui signifie allons-y) et « ayou » (qui avait à peu près le même sens que notre « zut » bien français), expressions dialectales que nous avions complètement adoptées.
Ainsi, nous vivions sans faire de discriminations et n’avions aucune raison de regarder au-delà ou en deçà de nos attirances et sympathies intrinsèques ».

Abordons la trame du livre, à la fois simple et lumineuse ; elle concerne Diane – alias Elisabeth Moustaki – et se passe dans les années trente et quarante du XXème siècle. Diane, habitant d’abord à Cléopatra, a commencé par fréquenter le Petit Lycée. A partir de la septième, elle ira au Lycée Français de Chatby (voir ci-dessus). Ce lycée de la Mission Laïque Française lui a laissé une très forte empreinte, la laïcité à la française y prenant ici tout son sens.
Avec la création par Nessim Moustaki de La Cité du Livre, les Moustaki habiteront ensuite rue Fouad, près de la librairie, puis rue Talaat Harb, en centre ville. En grandissant, Diane aura l’autorisation d’aller à vélo à son lycée …

Une grande partie du livre décrit la vie de l’adolescente, avec ses amitiés fortes, profondes et bien analysées, et un peu plus tard, en parallèle, le début de l’attrait pour les jeunes gens de son âge, les premiers « petits amis », les premières « Partys » (surprises-parties) ; les sorties à la plage et à la mer y prennent une très grande place (en bonne alexandrine, Diane est fascinée par la plage et la mer, que ce soit à Cléopatra, Stanley, Sidi-Bishr, Mandarah ou Agamy). Tout se passe généralement dans un climat heureux et joyeux, avec des jeunes d’origines diverses mais le plus souvent aisés, faisant souvent partie d’une « jeunesse dorée », tous francophones (voir la grande citation ci-dessus).
Parmi les flirts, un amour surtout se dessine et s’affirme ; pour le beau et riche David au caractère indépendant et complexe. Il semble que David fréquente le Lycée de l’Union Juive, et qu’il ait des activités assez secrètes dans le genre « sioniste communisant ». David, avec ses idées « de gauche », a un trait assez rare : il parle très bien l’arabe et il fait découvrir à Diane des cafés populaires d’Agamy, où, très à l’aise, il converse avec familiarité avec les gens du pays.

Au fur et à mesure que Diane grandit, elle fréquentera diverses institutions alexandrines : elle va à la Maison de France à la rue Nébi Daniel, elle fréquente le Sporting Club, le Club nautique, elle côtoie un moment la YMCA à Mandarah et les adeptes du « Réarmement moral », et surtout elle fréquente longuement l’Amicale des anciens élèves du Lycée Français où elle est très active dans la préparation d’un spectacle poétique. Cette dernière expérience lui laisse une grosse empreinte.
A l’époque du baccalauréat et après le bac, Diane secondera son père à la Cité du Livre, ce qui représentera encore un apprentissage enrichissant.
N’oublions pas le titre du livre, où il est question de « joli temps » mais aussi « de pluie » : « Le joli temps » est l’insouciance heureuse, joyeuse et surtout têtue qu’ont vécu tant de jeunes alexandrins de l’époque, et « la pluie » c’est le poids des événements qu’Elisabeth Moustaki évoque tout le long du livre – en contrepoint. Il y a les grandes flambées du nationalisme égyptien, sa lutte contre l’occupation anglaise, la montée en puissance des Frères Musulmans, la deuxième guerre mondiale, les menaces terribles dues à l’approche des troupes germano-italiennes, finalement et miraculeusement bloquées à El Alamein ; et enfin les évènements en Palestine, la création de l’État d’Israël, les grandes flambées d’antisémitisme. Tout cela est fort bien évoqué.
Finalement, les jeunes se rendent à l’évidence : « Tu vois bien que nous ne sommes plus chez nous en Égypte, qu’on nous chassera un jour ou l’autre…Il faut regarder la vérité en face. », lui dit son ami Julien.
Tout le groupe se disperse peu à peu. De nombreux amis partent étudier en France. Michaël, David et Wilfrid fuient en hors-bord à Chypre puis en Israël. Les parents de Diane lui suggèrent de partir elle aussi en France. Elle décide de faire des études de lettres, confirmant son grand amour pour la littérature.

Après la conférence, des questions furent posées à Marcelle (« Tsou ») Rosnay-Moustaki qui nous conta son itinéraire avec son époux Jean-Pierre Rosnay qu’elle épousa en 1951. Ils créèrent une maison d’édition – « Les jeunes auteurs réunis » (JAR) – qui fonctionna à Paris quelques bonnes années (Georges Moustaki y travailla même un peu). En I961, Jean-Pierre Rosnay, poète, fonda avec son épouse le très fameux « Club des poètes », qui se prolongea par une non moins célèbre émission de radio. Un de leur fils, Blaise Rosnay, reprit le flambeau de ses parents.

Parmi les intervenants nous entendîmes notre amie Colette Durand-Galanti qui évoqua des souvenirs du Lycée Français d’Alexandrie et de sa très forte implication au Mouvement des Eclaireuses de France. Michèle Chubb nous parla un peu de sa maman, Mme Chubb – que plusieurs d’entre nous ont connue – et qui fut professeur de français et de mathématiques, notamment au Lycée de l’Union Juive.

Un grand merci à Élisabeth Moustaki qui nous fit découvrir son bel ouvrage et à bientôt.

Joe Chalom

Voici l’histoire d’une adolescence privilégiée d’une fille étrangère au pays, d’origine grecque, qui vivait dans une jolie petite ville d’Égypte, Alexandrie, avec ses joies, ses peines, son évolution, avant que la prise de conscience de la nation égyptienne ne vienne assombrir la belle ambiance qui y existait et l’harmonie qui régnait entre les colonies étrangères et les indigènes.
Malgré la deuxième guerre mondiale qui vient quelque peu assombrir l’atmosphère, les habitants de l’Égypte sont peu touchés et sont préservés de tout danger réel. Puis la prise de conscience de la population égyptienne, qui veut son autonomie et sa liberté, s’amorce et commence à bouleverser la vie des étrangers….

L’auteur, née à Alexandrie, y a passé une adolescence privilégiée, joyeuse, dans une ville somptueuse tout à la fois très ouverte à la culture, aux différentes colonies étrangères et ville orientale avec toute la magie que cela suggère, qu’elle décrit ici.

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