Les juifs dans la cité
Les juifs d’Égypte et le sionisme, 1897 – 1956
Par Émile Gabbay – ASPCJE
La lecture de la presse juive d’Égypte, dès le début du XXe siècle, pourrait donner à croire que la communauté juive d’Égypte était fortement imprégnée par les idées sionistes. En fait, si les juifs d’Égypte éprouvent de la sympathie pour la création d’un foyer national juif en Palestine, c’est par solidarité communautaire avec les nouveaux immigrants venus des pays où ils sont persécutés, non parce qu’ils se sentent spécialement concernés.
C’est ainsi qu’en Égypte on peut être à la fois nationaliste et sioniste. Longtemps le sionisme en Égypte se limitera à des conférences sur le judaïsme ou sur la progression des réalisations en Palestine. Des fêtes et des collectes s’organiseront pour la cause sioniste. Réunions très populaires jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale, elles ne déboucheront pas sur un engagement militant significatif. Comme la presse se fait largement l’écho de ces réunions, fêtes et collectes, il reste, en feuilletant la presse juive, l’impression d’un engagement collectif important.
Rappelons que de tout temps les communautés juives d’Égypte et de Palestine ont maintenu des liens religieux, sociaux et économiques. À la jonction du XIXe siècle et du XXe siècle, le sionisme, qui déclare que le peuple juif forme une nation certes dispersée mais unique, introduit une dimension politique dans ces relations : à la solidarité communautaire, il substitue la notion politique claire de l’unité nationale juive.
La naissance des nationalismes en Europe s’accompagne d’une résurgence de l’antisémitisme. Les mouvements nationaux bulgares, roumains, serbes, polonais, les pogromes en Russie créent un terrain favorable à la naissance d’un nationalisme juif. En 1896 Théodore Herzl publie son ouvrage L’État Juif et un an plus tard c’est le congrès de Bâle. Le sionisme s’organise en tant que mouvement politique de libération nationale.
Les juifs d’Égypte, d’où qu’ils viennent, ont toujours adhéré à cette idée qu’ils appartenaient à la nation égyptienne, mais aussi au peuple juif par delà les frontières ; cette attitude sera perceptible jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, quand la montée du nationalisme arabe et du panislamisme mettra la communauté juive au rang des communautés étrangères au pays.
Nous verrons comment, en Égypte, deux grandes périodes structurent le mouvement sioniste.
La première période, de 1897 à 1940, voit la multiplication de petites organisations, de publications, de conférences, qui suscitent l’intérêt et la participation financière de la communauté, sans aboutir pour autant à un sionisme militant, malgré l’impulsion donnée par la Déclaration Balfour.
Après une parenthèse qui verra l’émergence du sionisme révisionniste, particulièrement dynamique en Égypte, la deuxième guerre mondiale ouvre dans le pays une nouvelle période : le Caire devient la plaque tournante du sionisme en diaspora, essor qui sera brutalement interrompu du fait de la création de l’État d’Israël. Les mouvements sionistes et leurs concurrents communistes entrent alors dans la clandestinité.
Le coup fatal est donné par la crise de Suez, qui sonne la fin de la communauté en Égypte.