Association pour la Sauvegarde
du Patrimoine Culturel
des Juifs d’Égypte

14/12/2013 – Marlène BELILOS

Clôturant en beauté l’année 2013, nous étions nombreux ce samedi 14 décembre à la Maison des Associations du 12ème à accueillir Marlène Bélilos, venue nous présenter son dernier et très poétique livre «Le yacht du roi Farouk», paru en juin 2013 aux Éditions Michel de Maule dans la collection «Je me souviens». Livre de petite taille mais d’une grande richesse de contenu et d’une très belle écriture. Nahar Misraïm n°56 d’octobre 2013 avait déjà présenté l’ouvrage dans une note de lecture signée de David Harari.

Les membres de l’ASPCJE qui fréquentent les repas de l’AAHA étaient déjà familiers de la silhouette élégante et du visage ouvert et souriant de notre conférencière.

Marlène Bélilos est née dans une riche famille de juifs alexandrins, originaires d’Alep. Elle évoque la maison familiale qu’on appelait quelquefois « Le palais ». Son grand-père, Jacques Bélilos, mort à une table de jeu en Suisse, fut rapatrié, embaumé, par son fils étudiant qui avait vingt ans à l’époque. Ce dernier – le père de Marlène – boursier à la Bourse du coton, « lecteur du Figaro Littéraire », était un grand mordu de bridge. Il lui était arrivé de jouer à la même table que le roi Farouk au Club Mohammed Ali d’Alexandrie.

Après son départ d’Égypte en 1956, Marlène Bélilos s’était rapidement établie en Suisse, après un passage par l’Italie. Elle a travaillé quelques années comme journaliste à la Télévision Suisse Romande et à la Radio Suisse Romande. Après quelques temps dans l’enseignement, toujours en Suisse, elle s’installe définitivement en France et poursuit le métier de journaliste à TV5 Monde et à France-Culture. Actuellement elle se consacre principalement à la psychanalyse et dirige la collection « Et Freud dans tout ça ? » chez Michel de Maule.

Le début du livre et à la fois son épicentre relate le départ du roi Farouk d’Égypte suite à la Révolution des Colonels de 1952, alors que l’auteur avait 10 ans. Ecoutons les premières lignes de l’ouvrage :

« Dans une limousine, Farouk en grande tenue d’amiral, habit blanc d’apparat, est assis à côté de son chauffeur. Il est à peine reconnaissable avec ses lunettes noires. Le visage s’est épaissi et n’a plus rien à voir avec l’ovale parfait qui illustrait les timbres d’Égypte, teinté d’un violet ou d’un vieux rose passé. De la main, il protège ses yeux. La voiture parcourt la corniche d’Alexandrie, pour la dernière fois dans la fraîcheur d’une fin d’après-midi orientale. Il vient de quitter son palais d’été de Montazah ».

C’est ce même roi Farouk – chassé d’Égypte par le nouveau pouvoir révolutionnaire et partant sur son yacht Le Mahroussa – qui fut bien aimé des Égyptiens au début de son règne et qui avait tenté un moment, en 1942, de résister aux Anglais.
Il est clair, pour la journaliste Bélilos, que ce départ du roi Farouk et de sa famille signe la fin d’un monde et le début d’une nouvelle époque :
Quatre ans plus tard, le 26 juillet 1956, à Alexandrie, Gamal Abd el Nasser, dans un grand éclat de rire, annonce à son peuple la nationalisation du Canal de Suez.

Quatre mois après, en novembre 56, c’est l’expédition punitive franco-anglo-israélienne de Suez. Et tout de suite s’ensuivent les arrestations, incarcérations, séquestres de Français, Anglais et de très nombreux juifs, dont les Bélilos.
Bientôt ce sera quasiment la fin des communautés dites étrangères en Égypte.

En écoutant et en lisant Marlène Bélilos, on a conscience qu’elle veut regarder derrière elle avec tendresse mais « sans nostalgie », avec un regard lucide. « Il fallait bien que l’histoire continue ».
Les années ont passé et elle évoque vers la fin du livre le « Printemps égyptien » de 2011 :

« …C’est à la télévision que je découvris le printemps égyptien, la chaleur des habitants qui investirent la grande place du Caire, la désormais célèbre Place Tahrir.
Les images de la Place Tahrir montrent tous ces jeunes Égyptiens qui tentent encore une fois – comme Orabi – de prendre leur destin en main, images d’espoir. Ils ne veulent pas qu’on leur confisque le pouvoir. Y réussiront-ils ?…
Plus loin, elle dit même : « Il me vient l’envie de demander mon passeport égyptien. »

Après l’exposé s’ensuivit, comme on pouvait s’y attendre, un échange très cordial et animé avec la salle, chacun voulant raconter son périple. Parmi les récits des uns et des autres, un de nos amis évoqua une petite histoire désopilante qu’il avait vécue à la faculté de pharmacie d’Alexandrie.

Merci à Marlène Bélilos pour cette vision très neuve de notre histoire et pour ce bel après–midi passé ensemble.

Joe Chalom

Note de lecture envoyée par David Harari. 

Marlène Belilos a écrit un court ouvrage dans lequel elle fait des allers-retours entre la vie du roi Farouk, depuis son enfance jusqu’à son exil définitif en 1952, et sa propre enfance à Alexandrie, durant laquelle les fortunes de son père, spéculateur à la bourse d’Alexandrie, ont connu des hauts et des bas et un déménagement d’une belle demeure vers un appartement beaucoup plus modeste à la suite de ses revers financiers.
Avec une iconographie qui a recours a des clichés d’époque aussi bien du roi et son départ précipité d’Alexandrie sur le yacht Mahroussa, que des photos de famille, nostalgiques comme la photo de sa classe au lycée, la pierre tombale de son grand-père, mort à une table de jeu au casino d’Evian en 1937 et embaumé pour être ramené par son fils pour être enterré en Egypte.Dans ce livre règne un climat indéfinissable de douceur, de vie au ralenti quand l’auteur était enfant en Egypte, que son quotidien était entouré de domestiques, d’une grand-mère et d’un père joueurs invétérés mais qui la protégeaient « du monde des adultes ». Marlène Belilos n’adhère pas à une chronologie pointilleuse dans son livre de souvenirs. Elle passe d’un sujet à l’autre au gré de son inspiration et de ses souvenirs.Le livre fourmille de petites notes nostalgiques, en parlant des plages d’Alexandrie, du lycée et des ses uniformes, des cahiers de classe , des glaces et gâteaux de chez Flückiger qu’elle décrit avec délices, de la pâtisserie Athineos.Elle évoque brièvement son arrivée en Europe, munie d’un passeport Nansen et finalement admise en Suisse avec ce titre de voyage. Ses retrouvailles avec sa mère, qui s’était séparée de son père alors que Marlène n’était qu’une enfant et qui a refait sa vie plusieurs fois en Europe.Ce mince ouvrage a un goût acidulé qui remuera sans aucun doute des souvenirs pour tous ceux qui ont connu cette période charnière entre deux mondes, entre deux époques, qu’ont été les années d’après guerre en Egypte et le basculement dans le nationalisme nassérien et la xénophobie qui a fait fuir toutes ces communautés qui avaient tant œuvré au développement de l’Egypte depuis le milieu du 19ème siècle jusqu’en 1958.

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