Ce Samedi 12 mars 2011, nous eûmes le grand plaisir de recevoir M. Jean-Charles Depaule qui nous présenta « Italien du Caire » – une autobiographie- (éditions Parenthèses), livre écrit à quatre mains par Mario Rispoli et lui-même.
Jean-Charles Depaule est architecte et spécialiste en anthropologie urbaine sur l’Orient arabe. Il a travaillé au CNRS au Caire où il a connu et s’est lié d’amitié avec Mario Rispoli.
Le projet de biographie de M. Rispoli, avec l’étroite collaboration de Jean-Charles Depaule, représente cinq années de travail, travail approfondi et de grande qualité. Bien plus qu’une biographie, c’est le beau « portrait » d’un homme né au Caire à la fin des années 30 et ayant exercé durant près de quarante ans le métier de journaliste, dont vingt ans dans la capitale égyptienne.
Il est important de souligner que le premier chapitre s’intitule Le voyage en Italie. L’auteur avait treize ans et il quitte pour la première fois l’Égypte pour découvrir son pays d’origine et plus particulièrement la région napolitaine, berceau de sa famille. Nous faisons connaissance, d’emblée, avec tous les siens et notamment avec son oncle maternel, Gianni. Le conférencier insiste sur les liens très profonds de ces immigrés avec leur patrie italienne, avec son histoire et sa culture (son attrait pour le cinéma italien, entre autres). Il insiste sur les sentiments de fierté que beaucoup d’entre eux avaient ressentis pour l’Italie fasciste (bien que Mario ait un grand-père socialiste). Certains de ses proches – dont l’oncle Gianni – furent internés en Égypte durant la guerre, expérience assez traumatisante.
Orphelin de père dès la très petite enfance, Mario Rispoli fut élevé durant ses cinq premières années par son grand-père maternel ; il vécut ensuite son enfance entouré – même couvé – par sa mère et sa grand-mère. Celles-ci le mirent en école primaire dans une congrégation religieuse.
L’enfance se passa donc dans un cadre essentiellement italien, très confiné, ce que l’enfant ressentit comme assez étouffant. Aussi, dès l’âge de 9-10 ans, il se mit à faire l’école buissonnière et partait souvent en vadrouille solitaire dans les rues cairotes. Mais à l’époque du passage au collège, il obtint de sa mère d’aller au Lycée Français ce qui signifia pour lui une grande découverte et le début d’une large ouverture sur le monde : les élèves du Lycée Français étaient de nationalités et d’origines très diverses ; ils comptaient notamment un grand nombre de juifs parmi lesquels Mario se fit beaucoup d’amis. L’enseignement y était universaliste. A l’apport du Lycée Français – institution laïque et républicaine – il faut aussi ajouter à la même époque la fréquentation des Scouts de France, scouts laïques, parmi lesquels Mario s’initia largement à la culture juive…. L’auteur baigna donc dans une atmosphère à la fois cosmopolite et francophone qui le façonna. C’est parmi cette jeunesse cosmopolite que Mario fit la connaissance de sa future épouse, Huguette Mabardi, syro-libanaise et francophone.
Nous en arrivons à un thème essentiel du livre : la carrière de journaliste de Mario Rispoli. Un hasard favorable le fait entrer à l’agence italienne Ansa du Caire alors qu’il a à peine plus de vingt ans. Après une courte période d’adaptation, il est promu au rang de journaliste puis de directeur d’agence. Cette carrière couvrit une bonne partie du régime de Gamal Abd El Nasser puis d’Anouar el Sadate. Une foule d’évènements importants de l’histoire de l’Egypte et du Proche-Orient sont retracés et en particulier la Guerre de Kippour en 1973, puis les accords de Camp David qui conduiront à la paix entre l’Egypte et Israël. Le conférencier évoqua les relations quelquefois difficiles de M. Rispoli avec les Services de Censure ; il les accepta, par force, avec beaucoup de diplomatie.
En 1979, l’Ansa proposa à M. Rispoli une direction de l’agence en France, qu’il accepta. Il remplit ce poste jusqu’en 1983, avant de devenir directeur du service de presse de Fiat France.
Dans tout ce récit, le Caire est omniprésent, lors des vadrouilles buissonnières de la petite enfance, dans le quartier cosmopolite de la Rue Malika Farida ou vivait tout une mosaïque de communautés, puis plus tard après 1956, quand cette mosaïque s’estompa fortement. Quand pour la plupart d’entre nous la rupture était consommée, les Rispoli assistèrent à une transformation progressive de l’Egypte, de la population cairote et de la physionomie du Caire. Pour eux donc, aucun changement brutal mais une adaptation graduelle à une situation différente.
L’exposé de M. Depaule fut constamment passionnant et brillant ; il nous renvoie à un livre d’une très grande richesse que nous vous conseillons vivement de lire. Nous y retrouverons tant d’aspects de l’Egypte que nous avons connue (surtout nos amis du Caire). Mais aussi tout une réalité que nous sommes heureux de découvrir.
Merci à notre amie Michèle Baussant de nous avoir présenté Jean-Charles Depaule.
Un grand merci à M. Depaule pour cette belle conférence et à Mme Rispoli pour son témoignage chaleureux.